Avoir un souvenir tenace d’un paysage visité il y a 15 ans, se le remémorer avec nostalgie, avoir envie de confirmer cette première impression. C’est le sentiment que j’avais au sujet de la baie de Somme. Dans une autre vie (ou presque), une vie sans Seb et Hélio, j’avais découvert ce superbe territoire. Curieusement, Sébastien l’arpentait également à la même période.
C’est ensemble que nous avions envie de redécouvrir la baie de Somme. Un territoire naturel riche en biodiversité, développant des initiatives durables cela ne pouvait que titiller notre curiosité. Nous l’avons retrouvée encore plus sublime que dans nos souvenirs, avec ses multiples facettes, ses lumières magiques, ses variations infinies et sa faune unique.
La Baie de somme côté nature, 1000 paysages et nuances de lumières
La Baie de somme, géographiquement placée entre Saint Quentin en Tourmont et la pointe du Hourdel fait partie du club très sélect des plus belles baies du monde. Plus généralement, on englobe dans la dénomination baie de Somme tout le littoral de Fort Mahon jusqu’à Mers les Bains.
Fous de nature, la baie de Somme nous fascine pour la multiplicité des paysages qu’elle accueille. Dunes, vasières, marais, molières, plages de galets et falaises gigantesques se succèdent sur un petit périmètre. Une richesse qui se retrouve aussi dans la biodiversité tant au niveau de la faune que la flore. Ici, c’est le royaume des oiseaux qui depuis longtemps ont trouvé dans les différents écosystèmes de la baie des havres de paix pour se reposer durant leur migration ou pour nidifier à l’abri des regards indiscrets (ou presque). Les phoques ont trouvé ici aussi une maison bien douillette. A tel point que c’est dans la baie de Somme que l’on retrouve la plus grande colonie de France de phoques veaux marins.
Ce que je trouve fascinant dans ce paysage c’est son mouvement, son rythme dû aux marées quotidiennes. C’est l’Homme qui doit le suivre et s’y adapter même si comme toujours il essaye de dompter les éléments. La marée dicte les activités, le calendrier des Hommes et des animaux. A chaque instant, la baie change de visage, sa lumière dit on est unique. Ce n’est pas nous qui dirons le contraire, en 5 jours, la lumière n’a cessé de nous éblouir ou nous surprendre. Des nuances grises des nuages menaçants aux teintes pastels d’un soleil trop lumineux, la baie a déstabilisé notre œil de photographe. Mais nous aimons être chamboulés.
C’est par le paysage que j’ai envie de vous raconter notre rencontre avec la baie de Somme, par son interaction avec l’Homme, avec les animaux qui la peuplent, avec ses éléments naturels indomptables ou soumis.
Fort Mahon, des dunes fixées… Dans mon esprit
Les dunes de Fort Mahon, j’en avais un souvenir intense, je me revoyais jouer comme une gamine dedans, caresser les herbes hautes, admirer la mer à perte de vue. J’avais une envie irrésistible d’y retourner mêlée à l’inquiétude d’être déçue que la réalité soit inférieure au souvenir.
Je peux vous le dire sans suspens, ce fût de nouveau le coup de foudre. Accompagnée de mes deux amours, l’émotion fût décuplée. Les dunes de Fort Mahon accueillent une nouvelle fois mes courses endiablées, celles des petits petons de mon fils aussi. Nous nous abandonnons au sable presque blanc, doré par le soleil qui joue à cache cache avec les nuages. Les pentes sont autant de toboggans naturels. Au sommet des dunes, je ferme les yeux pour mieux les ouvrir sur un panorama exceptionnel.
Ici, la plage est immense, les marées ont creusé des sillons dans le sable et l’on pressent les changements de marée à venir. La mer semble se perdre dans la lumière si mystérieuse de la baie. C’est un paysage vivant, qui bouge et qui bouscule nos sens. La claque du vent, la caresse du soleil, la danse des élymes des sables et des oyats, le murmure des vagues, l’odeur du sable chaud réveille notre corps autrement que par la vue. Si la dune est encore mouvante, elle est bien plus sage car les Hommes ont entrepris de la fixer. Pour cela, des pins, des oyats et une flore spécifique ont été plantés pour la maintenir et éviter que le sable n’envahisse encore et encore les maisons et cultures.
Le parc du Marquenterre, des marais accueillants pour les oiseaux
A l’aridité du sable s’opposent les zones humides et les marais du parc du Marquenterre, à seulement quelques kilomètres de là. J’en avais un souvenir flou. Mais à vrai dire je n’avais pas besoin de me remémorer ce parc ornithologique pour avoir envie d’y revenir. Le parc du Marquenterre est un lieu emblématique en France pour tous les passionnés d’oiseaux. Son accessibilité, la facilité avec laquelle on peut voir de nombreuses espèces toute l’année en font un terrain d’observation idéal.
Paradoxalement, c’est l’intervention de l’Homme qui a façonné ce refuge pour oiseaux. Dans les années 50, cette zone est transformée en polder afin d’y cultiver des tulipes. 20 ans plus tard, ce commerce ne rapportant pas assez, le propriétaire de l’époque constatant la présence importante d’oiseaux décide de transformer sa propriété en parc ornithologique.
C’est donc munis de nos paires de jumelles et de notre enthousiasme que nous sommes partis au parc du Marquenterre. Si le temps était un peu capricieux ce jour là, l’éblouissement n’a pas tardé à venir. En mai, c’est la saison de la nidification et de nombreux oiseaux s’occupent déjà de leurs petits. En quelques pas, nous observons rapidement une famille de cygnes et leurs 7 cygnons suivis tout de suite après de foulques dont les petits ont une drôle de têtes rouge ébouriffée.
Les cigognes, spatules et aigrettes qui font des va-et– vient, brindilles dans le bec, témoignent d’une activité frénétique dans les nids. Difficile de voir les petits tant les nids sont larges, mais grâce aux longues vues des guides du parc nous avons pu assister à de jolis spectacles, notamment au spot appelé la héronnière. Il s’agit d’une partie du parc recouverte d’une forêt de pins où les échassiers (cigognes, spatules, aigrettes, hérons…) aiment construire leur nid. Les cigognes retrouvent leur nid d’une année à une autre, tandis que les autres reconstruisent leur cocon à chaque saison. La concentration de nid est hallucinante (plus de 200).
Le parc comprend 3 sentiers de 2 à 6km qui ne présentent aucune difficulté. L’essentiel ici n’est pas de faire des bornes mais plutôt de prendre le temps. C’est un parc ornithologique parfait pour les familles grâce à l’aménagement des sentiers et aux nombreux postes d’observation qui permettent de voir les oiseaux d’assez près.. Même si Hélio a râlé un peu au début (à cause du froid), il s’est vite pris au jeu en regardant dans les jumelles, en essayant de débusquer les oiseaux et surtout en jouant au guide ! Depuis la Malaisie, il n’y a pas une sortie nature sans qu’il s’exclame « c’est moi le guide, le grand guide ! ».
Même si son aide et surtout son enthousiasme sont précieux, la présence de nombreux guides naturalistes dans les 13 postes d’observation était très intéressante. D’une part, car ils ont des yeux bioniques qui permettent de voir ce que le commun des mortels ignore ! D’autre part car ils partagent de nombreux faits, anecdotes et informations sur les oiseaux qui rendent encore plus passionnante la visite.
Savez vous par exemple que les rouge gorges mâles et femelles ont chacun leur territoire ? Ceci crée une situation incongrue au moment de la reproduction car ils doivent se disputer pour décider où se posera le nid. Philippe Caruette, guide naturaliste et responsable pédagogique du parc, a aiguisé notre œil en nous donnant les astuces pour distinguer les différentes espèces de chevalier ou de mouettes. Dans l’observation des oiseaux, chaque détail compte.
Les vasières de la baie de Somme, un garde manger intermittent
Un voyage dans la baie de somme serait incomplet sans une immersion dans la baie elle même, au coeur de l’estran, cette partie du littoral recouvert par les eaux à marée haute. C’est sûrement l’espace le plus fascinant, car chaque jour, au rythme des marées, il offre deux visages, deux territoires bien distincts.
A marée basse, l’eau se retire et laisse la place à un univers de sable appelé la slikke ou vasières. Cet environnement est bourré d’animaux enfouis comme les coques, palourdes, crabes, vers et autres mollusques. A marée basse, c’est un buffet à ciel ouvert pour les oiseaux limicoles. A marée haute, ce sont les poissons qui se délectent de ce festin.
Ce territoire est aussi le repère des phoques qui viennent s’y prélasser et se réchauffer sous les rayons du soleil à marée basse. Un peu lourdauds et maladroits sur la terre ferme, vous pouvez les observer en différents endroits de la baie notamment à la pointe du Hourdel. Côté flore, c’est le royaume de la salicorne et des chips de mer (délicieuses plantes d’ailleurs !).
Ces vasières sont aussi un plaisir pour nos yeux car le sable suivant les mouvements de l’eau dessine des figures ondulées qui jouent avec la lumière. Pendant que les animaux savourent, les Hommes contemplent.
Les molières, pré salés sur la mer
Les molières ou schorre sont les parties de la baie uniquement recouvertes durant les grandes marées. Ce sont ces zones vertes recouvertes de plantes halophiles (soude, aster maritime, obione, salicornes) que les agneaux de pré salés aiment aller grignoter.
Nous avons eu la chance de rencontrer un éleveur passionnant, Roland Moitrel. Depuis 33 ans, il nous explique qu’il reste environ 8h par jour, seul avec ses moutons et son chien dans la baie de Somme. Pour obtenir le label des agneaux de pré salés, sa présence avec les animaux est nécessaire. Mais ce n’est pas que cela qui guide Roland. En discutant avec lui, je ressens la passion qui l’anime, l’amour de son métier. Quand il voit mes yeux écarquillés à l’annonce de ces 33 ans passés dans la baie, 7j/7 et quasiment sans vacances, il me retourne un sourire pudique qui en dit long. Il ne s’ennuie pas une seule seconde dans SA baie. Il en adore les moindres détails, les multiples lueurs, la danse des marées et les chorégraphies de ses moutons. Une vie simple et un bel exemple de production raisonnée et durable de viande. Nous ne sommes pas végétariens mais nous limitons notre consommation de viande et nous tenons à consommer de la viande biologique ou produite de manière durable. Sa démarche de qualité nous a donc vraiment parlé.
Nous avons passé un long moment à observer les moutons, à nous en approcher à pas de loup (hihi) pour ne pas les effrayer. Je reste à chaque fois subjuguée par leurs mouvements collectifs, leur synchronisation si parfaite quand l’un deux prend l’initiative de se déplacer.
Étant en période de très grande marée, les moutons avaient été rapatriés au delà des molières afin de rester au sec. Nous n’avons pas pu observer la flore caractéristique des molières à cet endroit. Heureusement, d’autres lieux durant notre rando nature avec Maxim Marzi nous ont permis d’en savoir plus sur cette flore. Maxim nous a montré des oreilles de cochons, des chips de la mer, des pseudonymes sympas pour se rappeler de ces plantes caractéristiques. Nous avons même eu le droit à une dégustation. Quelques feuilles à la saveur délicieusement iodée qui peuvent être grillées au four pour devenir de vraies chips apéro.
La pointe du Hourdel, les plages de galets
La pointe du Hourdel nous a offert un moment fort lors de notre séjour en baie de somme. La plage de sable a laissé la place à une étendue de galets polis par la mer. Maladroitement, nous nous frayons un chemin pour nous approcher de la rive. Quelques tâches au loin ont attiré notre regard et celui de Maxim. Des phoques veaux marins nous attendent patiemment, avachis sur le sable, ils sourient béatement. Malgré le vent glacial, nous scrutons l’horizon.
Nous n’avons pas eu le temps de nous y rendre, mais à Cayeux sur mer il est possible de visiter une usine d’extraction de galet. Ces derniers sont broyés et utilisés dans différents domaines, dont la construction.
L’univers minéral de la baie de Somme atteint son paroxysme aux falaises d’Ault. Mais pour vous raconter cette partie, il faudra que l’on revienne. Qu’on se le dise, la baie de Somme est si riche, que l’on peut venir et revenir à l’infini !
Quand visiter la baie de Somme ? A quelle saison ?
Toute l’année, la baie de Somme offre des visages différents et intéressants. Bien sûr faire trempette sera plus agréable en été, mais vous aurez aussi à partager avec plus de monde. Les phoques sont présents toute l’année et mettent bas vers juillet. Concernant les oiseaux, le mois de mai est intéressant pour les naissances, mais à chaque période vous pourrez observer des espèces différentes.
Au mois de janvier, vous risquer de trouver portes closes pour beaucoup d’hébergements et restaurants.
Bref, si vous avez le choix, évitez les ponts de mai et juillet août pour bénéficier de la tranquillité de la baie à son maximum. Mais pas de panique, ce n’est jamais la foule des plages de Méditerranée qui vous attend, cela reste une destination nature avant tout !
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