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Virée clandestine dans les (vraies) Catacombes de Paris

Hélène est descendue dans les entrailles de la capitale. Pas les catacombes que l’on visite pour 10 euros. Non. Celles qui sont interdites au public depuis 1830 et s’étendent sur 350 kilomètres. L’entrée des Enfers se cache au fond d’un tunnel de l’ancienne ligne de chemin de fer de la Petite Ceinture parisienne. Ici, on trouve un passage menant tout droit à…

L’odeur de rance mélangée à celle de la vieille bière. L’humidité qui entre par tous les pores de la peau. Le bruit des battements du cœur et des gouttes d’eau qui résonnent. Me voici dans les catacombes. Si vous avez réalisé la visite officielle, vous connaissez en fait 1/800e de la superficie des carrières.

Les catacombes que l’on vend aux touristes, qui entassent 6 millions d’ossements venus de plus de 150 cimetières n’effraient même pas les plus froussards. Posté devant la sortie, un groupe d’Australiens trouve la visite « artistique et romantique ». Antonio et Alessandro, deux Italiens, affirment en cœur que c’est l’exposition la plus « cool et fun » qu’ils ont pu voir dans la capitale. Tamisée comme une cave, cette partie des carrières est dotée de grandes allées et d’un sol droit et refait.

Rien à voir avec les carrières condamnées par la ville de Paris, refuge d’aventuriers en quête de sensations fortes. 350 kilomètres de galeries – creusées pour exploiter le calcaire – formant une ville sous la ville. Une cité macabre sous les égouts et le métro. Prix de l’aventure : une amende de 60 à 3750 euros si l’on a la malchance de croiser un cataflic (un policier de la Brigade de l’Inspection Générale des Carrières).

Mes meilleurs amis dans le ventre de Paris ? Une lampe de poche. Et « Sauvage » (les cataphiles ne donnent jamais leur vrai prénom) qui, à 39 ans, a déjà 18 ans de descentes derrière lui. Ce gardien d’immeuble le jour a fait des catacombes son terrain de jeu la nuit.

Pour survivre, la touriste que je suis (comprendre quelqu’un qui descend pour la première fois) doit respecter certaines règles.

RÈGLE NUMÉRO 1 : PROTÉGER SA TÊTE.

«Si tu te casses une jambe, on pourra toujours te sortir, m’avertit Sauvage. Mais si tu te fractures le crâne…» Je fais donc bien attention à ma caboche quand je passe par une chatière, plus proche d’un trou de souris que de chat. Après deux heures à vagabonder dans un boyau sombre et inquiétant, à devoir laisser traîner mes jambes dans une eau trouble et glacée, mes oreilles s’adaptent enfin au silence oppressant. Un silence de mort. «Quand on entend un bruit, le contraste avec le silence peut mener à de sacrées crises de paranoïa, avoue Lena, descendue en 2014. De vieux souvenirs de films d’horreur ressurgissent, d’autant plus que la mythologie des catacombes participe à cette psychose, avec les histoires de cataphiles perdus et morts sous terre.»

JE M’ATTENDS À DES CADAVRES HUMAINS ET JE NE TROUVE FINALEMENT QUE DES CADAVRES DE BOUTEILLES…

Nous nous posons dans une grande salle que les habitués appellent « La Plage » et où les murs, entièrement tagués, retrouvent des couleurs. Le moment de sortir les bougies, du vin et des bières.

Pour savourer un verre sous terre, il ne faut pas être claustrophobe. Ne pas avoir peur non plus de ressortir le corps criblé de bleus. Ne pas craindre d’avancer d’interminables minutes dans une eau froide et marronâtre. Si vous avez peur des bestioles, passez votre chemin. Les scutigères véloces (des sortes de mille-pattes) ont fait des carrières leur demeure. Il faut être en bonne santé : une soirée dans les catacombes pourrait en effet s’apparenter à un stage de survie de l’armée. «Attention où tu mets les pieds», me prévient Sauvage. Je pourrais tomber dans un puits sans fin non-condamné.

On repart. Je rampe sur un sol sableux puis boueux, la lampe torche dans la bouche, à l’affût d’un possible éboulement. Les graviers gros comme des rats martyrisent mes genoux déjà marqués par des bleus apparus tout au long de la soirée. Serrer les dents, m’empêcher de pleurer de douleur, de fatigue, d’énervement. Surtout lorsque je dois me faufiler comme un serpent dans un trou de 50 centimètres de diamètre. Je suis coincée.

Lorsqu’enfin, après sept heures, je parviens à m’extirper de ce lugubre dédale, c’est la délivrance. Il est trois heures du matin et pourtant, j’ai l’impression qu’il fait jour tant la lumière de la lune et des réverbères est puissante. Désormais, si je croise une âme blanche de poussière, de craie et de sable dans les rues de Paris, je saurai qu’elle revient probablement du Royaume des morts.

Issu de l’article : https://www.neonmag.fr/viree-clandestine-dans-les-vraies-catacombes-de-paris-471108.html

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